Bonjour,
Voici un petit retour après nos échanges autour de la lecture de En pleine mer(e) de Noa Landret.
Les échanges ont été riches. Unanimement, la lecture a été une expérience entraînante et bouleversante dont la sincérité a beaucoup marqué.
Sur l’écriture
L’écriture des textes a commencé très tôt et les textes ont été proposés à la lecture via instagram. Dans un premier temps, Noa utilisait un compte anonyme ce qui permettait une décharge plus libre, d’en dire “plus”. Puis rapidement, l’anonymat s’est levé notamment à la suite de participations à des ateliers d’écriture mais aussi pour davantage incarné ce qui été dit. Cependant, Noa a aussi exploré les limites de ce qu’il était possible de dire et ce qui est a préservé pour ne pas trop en dévoiler sur nos enfants. Qu’est-ce qu’on a le droit de dire de nos expériences, qu’est-ce qui est “à nous” et qu’est-ce qui engage “les autres “?
La semaine prochaine, je verrai mon psy. Je lui dirai que mon livre sur l’escargot avance, que je prends plaisir à l’écrire, mais que j’ai peur que ma mère souffre de me voir écrire sur la bipolarité de sa mère. Mon psy me répondra : c’est votre histoire aussi.1
L’écriture a été à la fois fluide et difficile. La multitude de textes écrits partout et tout le temps a rendu leur transformation en recueil difficile. Le tri et la cohérence nécessaire à la structure ont été deux parties du travail qui ont été fastidieuse. Noa souligne l’accompagnement de Sarah pour le soulager et le driver.
“Ce n’est pas l’écriture en elle-même qui est une épreuve mais l’architecture du livre”.2
Sur la réception
La connaissance de Noa, par les ateliers menés ou par sa participation à des ateliers, a beaucoup influencé la réception du recueil. En effet, plusieurs des lectrices ont souligné l’oralité du texte et l’impression de se l’entendre lire (voix et intonation). Cela a eu pour effet la création d’une lecture privée, adressée à soi.
Le livre a voyagé et a été prêté notamment aux conjoints ou aux mères des lectrices. L’expérience de lecture a mis en avant la nécessité de textes qui convoquent une expérience intime et la rendre intelligible grâce au travail de l’écriture. Ces textes sont une ressources et permettent aussi de casser l’isolement perçu dans la parentalité ou encore de mettre des mots sur des maux.
La mise en mot de la violence psychologique a permis aussi de rendre compte de la réalité. Le recueil a pu permettre une certaine représentation. Il s’en dégage une très grande force et sans que celui-ci ne soit à charge.
“Je crois effectivement à la très grande puissance et l’impact des représentations et à leur force politique sur les imaginaires.”3
Sur l’objet livre
Le travail de mise en page et d’espacement des mots et des lettres a été réfléchi pour rendre visible l’oralité des textes. Les textes ont été écrits comme “pour être lus à voix haute” et on perçoit le rythme, proche de la scansion et du slam. On y retrouve une forme d’urgence du souffle. Une sorte de synchronicité entre le temps hachuré de la jeune parentalité en calque du temps d’écriture qui est souvent un temps “volé”, “limité” dans le temps.
L’écriture pour s’ancrer
Les ateliers ont permis de disposer un cadre qui tient éloigner la charge mentale et est une parenthèse de temps mais c’est aussi une condition matérielle qui nécessite de l’argent à investir.
Ne pas avoir les conditions matérielles nécessaires n’aurait pas empêché l’écriture mais ça aurait empêché la mise en forme de l’écriture, c’est-à-dire le recueil.
Ces textes ont permis une mise à distance avec le vécu, faire comme s’il ne s’agissait pas d’une expérience vécue propre et intime. Cependant, il ne s’agit pas d’une thérapie. C’est une prise de recul très superficielle.
“L’écriture n’est pas une thérapie parce que ce qui est valable en autofiction dans mon cas avec les doubles etc n’est pas…il faut pas engager les gens en leur disant “votre trauma fera un bon livre”, ça ça serait une terrible erreur. Et c’est à cause de cette terrible erreur et des manuscrits refusés que des gens vont encore plus mal derrière. Et pour avoir longtemps pratiqué des ateliers d’écriture et en pratiquer encore, c’est une solution à très court terme et la littérature n’est pas faite pour ça en fait donc ce qui a été la thérapie la plus utile c’est les quelques années où j’ai pu avoir une fois par semaine une super médecin à Saint Anne.”4
C’est une forme aussi de traitrise de l’écriture, se dire qu’on est arrivé au sommet, arrivé à la fin. C’est un sujet clos mais la réalité nous rattrape. Il y a toute la descente et le cheminement, rien n’est véritablement terminé, on porte le texte ou l’histoire toujours avec nous.
“La coquille de l’escargot peut survivre à une fissure, voire une brisure, si celle-ci se produit suffisamment loin de l’apex.
L’escargot traverse la terre et est traversé par la terre. L’escargot réconcilie le mou et le dur, le dehors et le dedans, le vivant et le mort.
[…]
L’escargot fait de son expérience un monument, de son savoir un agencement, de ses aléas une architecture, de sa vie, une œuvre.”5
Quand sait-on qu’un texte est “terminé”?
“J’ai arrêté le texte au retour en Guadeloupe parce que c’est là que ça avait commencé, mais ça aurait pu être autrement.” Noa souligne le fait que la fin du texte répondait aux besoins de cohérence du recueil, pour la construction du sens pour les lecteurices mais il n’y a pas réellement de règle.
Le travail de relecture est un travail qui peut être sans fin et qui peut conduire à une insatisfaction. Il faut s’arrêter arbitrairement. Sur ce point, l’accompagnement a été une véritable nécessité pour Noa.
“Je pense que c’est la réception qui complète l’oeuvre.[…] Je pense qu’il est important quand on crée, quand on écrit d’accepter qu’il n’y a pas de produit fini, de produit figé. Ce n’est jamais le cas. La personne qui nous lit va forcément projeter, interpréter selon sa propre grille de lecture et donc proposer un espace vide dans le quelle la personne pourra projeter ce qu’elle veut après lecture, pour moi, c’est une manière d’affirmer cela.”6
Sur le processus créatif, des ressources proposées :
Podcast Faire animé par Nathalie Sejean
Podcast Encore Heureux animé par Camille Teste
Podcast La page blanche animé par Emilie Deseliène
Le prochain Mother Book Club se déroulera à la fin du mois de février ou quelque part début mars et la lecture proposée est celle de La puissance des mères de Fatima Ouassak dont j’ai rapidement parlé dans une publication instagram que vous pouvez retrouver ici.
Belle journée,
Elia
Lauren Bastide, Courir L’Escargot
Virginia Woolf
Iris Bey
Chloé Delaume, “l’écriture et la vie c’est trop lié”, podcast Folie Douce
Lauren Bastide, Courir l’Escargot
Rim Battal, podcast France Culture