Je me souviens, dans une autre vie, lorsque j’ai été jeune fille au pair en Espagne, il y avait également une autre personne qui s’occupait de la maison. Elle s’appelait Oana. Elle était roumaine. Elle disait que passait minuit, il fallait rentrer et ne rien faire. Passer minuit, il ne se passait rien de bon.
Ici Grace, passé minuit va dire que la littérature est une voie spirituelle, qu’elle est la racine de tout. Combien de fois, après minuit, je me suis plongée dans une lecture, le cœur ouvert et avide des mots et de leurs échos dans le corps, partout ? Les mots qui vivent, plongent dans le foie, dans les veines, se cachent dans les poumons, altèrent la vue et puis glissent et rampent partout où ils le peuvent. Les phrases qui se gravent sur l’estomac ou la peau, celles qui nous paralysent. Lire est une magie.
Quand je passe mes doigts sur le dos des livres à lire qui occupent un espace considérable, il y a toujours ce moment où l’un me choisit. C’est le livre qui appelle à la lecture et pas moi qui le choisit. Jamais. La preuve en est l’accumulation de livres à lire, des livres que j’ai choisi mais qui ne sont pas encore lus. Ils vont l’être, vont le devenir, lus mais en attendant, ils exposent leur dos à mes doigts qui glissent sur leur couverture.
J’y pense souvent qu’à l’origine de bien des religions et spiritualité, il y a des histoires et des récits. Il y a des contes et des aèdes. Il y a des voix qui viennent de loin et qui transmettent. La somme de ces mots, ce sont la littérature. Une voie qui traverse le temps, le roule en boule, l’étire et le vide de sa linéarité factice.