Je suis embuée ce matin, je ne me suis pas démaquillée hier soir. J’ai gardé le trait rose sur ma paupière et je suis allée directement me blottir contre mon enfant pour entamer ma nuit. Rose comme la couverture du livre de Diglee.
Je crois que dans ces mots de Diglee, il y a tout ce qui me lie à l’écriture et qui résonne maintenant comme des évidences dont j’ai du mal à détourner les yeux.
Comme le personnage de Morgane, Lina, qui court après sa grand-mère, Manelle. Comme la jeune fille sur la chaise jaune, ce manuscrit qui dort dans mes tiroirs, elle s’appelle Lina, aussi mais elle quitte sa grand-mère et le tissage de sa vie pour trouver une autre vérité. Il y a des histoires qui s’appellent et qui nous racontent des évidences. Broder, petite-fille, transformer, histoire : là, sonne une évidence.
Parfois, je crois que l’écriture nous tombe dessus avant. Avant la vie dehors, elle s’imprime quelque part sur le lanugo, une forme de pelage invisible avec lequel on naît et on se frotte au monde. Un pelage qui se nourrit des tissus de nos vies, ceux dans lesquels on dort, on construit des cabanes et des souvenirs éternels. Des petits motifs qui feront perler des larmes à nos yeux qui viendront irriguer un cœur blessé comme une pluie d’été.
Savais-je déjà, quand j’étais une si petit fille, que j’écrirai pour broder ce dont je ne sais rien, fabriquer des histoires à partir de ce qu’on m’avait dit ? Savais-je déjà que ce qu’on me disait, c’était des petites histoires, déjà, qu’elles étaient transformées par le regard de l’enfant sur le parent ? Savais-je déjà que ce qu’il reste de nous quand nous disparaissons c’est une somme d’histoires à broder ? Savais-je déjà tout ça en venant au monde ? Moi, l’enfant aux prénoms hérités de ses grands-mères, savais-je cela avant même de tenir un crayon ? Suis-je née avec l’idée que l’écriture répare, reprise ? Une forme de dentelle pansement, une petite fantaisie pour soigner les mémoires et les cœurs.