Les jours se répondent après Mars, Avril. Avril, mois de naissance encore, d’accouchement. C’est à partir de ce mois que j’ai écrit à nouveau, écrit parce que je voulais être lue. C’est à partir de ce mois que Présent Suspendu a commencé à s’écrire avant une publication en 2019. Aujourd’hui, il n’est plus édité, seuls quelques exemplaires restent (et sont mis à prix d’or sur internet, c’est incroyable et incompréhensible). Les citations se répondent aussi entre hier et aujourd’hui.
Alors peut-être que l’écriture restera comme le fil d’une couture qui a sauté et qu’il faut sans cesse repriser, une sensibilité aux silences et aux tonalités dans lesquelles je puiserai un peu de légitimité pour écrire et dire.
Je me souviens d’un atelier d’écriture avec Lucille DUPRE et Maaï YOUSSEF et de cette question sur l’écriture « de sa vie » et notamment celle autour de la maternité.
Ecrire l’intime.
Il y a eu ce mot lâché – comme silver lining – EXTIME. J’ai fait quelques recherches après, j’ai été voir ce que je trouvais …si ce n’est le nom d’Annie Ernaux, je ne suis tombée que sur des noms d’hommes durant cette recherche (certes, peu approfondie) dont celui de Michel Tournier qui qualifie le journal intime de «repliement pleurnichard sur ″nos petits tas de misérables secrets » et l’oppose au journal extime qu’il voit comme un « mouvement centrifuge de découverte et de conquêtes » qui donnerait naissance à une « écriture du dehors ».
Sur Babelio, on retrouve ceci :
« Ces carnets sont, dans l’esprit du Journal extime de Michel Tournier (à qui le titre souhaiterait rendre hommage), une tentative d’écriture de l’être, non pas dans une démarche introspective et close, mais au contraire en ouverture, conscient que je suis que l’on n’est et n’existe que dans la rencontre, la confrontation, la découverte, c’est-à-dire en faisant l’expérience de l’altérité : "Je est un autre", écrivait déjà Rimbaud.»
Laurent Contamin à propos de Carnets Extimes
Petits tas de misérables secrets, démarche introspective et close comme si la rencontre avec le dehors n’avait rien à voir avec l’expérience du dedans. Le dedans est pleurnichard et clos alors que le dehors est synonyme de conquête et de découverte. Quelque part, je m’interroge sur une forme de misogynie de l’écriture de soi, une forme d’entrave. Le regard vers le dehors des hommes et le dedans pour les femmes. L’écriture des hommes comme héroïque et celle des femmes comme pleurnicharde.
Après tout, sans trop extrapoler, à qui offre-t-on des journaux intimes ? Ces petits carnets avec de toutes petites clés qui se perdent en un clignement d’œil ? Ces cadenas qu’on peut ouvrir juste par la force ou la pression des mains, que disent-ils ? A qui autorise-t-on (ordonne-t-on ?) une plongée dans la vie intérieure ? Et puis cette clé et ce cadenas, ces faux remparts, pour qui sont-ils ? Que nous disent-ils? Ce que tu écris ne doit pas être lu? c’est de l’ordre du secret ? c’est personnel ou je ne veux pas entendre parler de ce que tu écris ? Cette clé ne dit-elle pas, ta vie intérieure doit rester à l’intérieure, cachée ? Elle ne concerne que toi. Il ne faudrait pas que les mots commencent à sortir, qu’ils commencent à se lire, à se dire. Il ne faudrait pas qu’ils se répondent, qu’ils s’inscrivent ailleurs dans d’autres journaux. Ils ne faudrait pas qu’ils fassent corps, qu’ils prennent vie.I Aux filles, l’introspection et le silence des mots, aux garçons les conquête et les intérieurs insondables. Ne pas savoir exprimer sa vie du dedans, ne pas y mettre de mot. Par ce geste qui produit une éducation genrée, on éloigne autant les garçons de la richesse de leur vie intérieure que les filles de l’écriture. On en fait quelque chose de superficiel, puéril, inintéressant, c’est un exil dont on ne souhaite aucun retour.